Comment nourrir près de 9 milliards d’individus à l’horizon 2050 dans le
cadre d’un développement durable ? C’est à la présentation et la
discussion des travaux de prospective menés dans cette perspective à
l’INRA – Institut national français de la recherche agronomique, et au
CIRAD – Centre de recherche français pour l'agriculture et le
développement, qu’est consacré l’ouvrage Agrimonde. Marion Guillou,
présidente de l’INRA, et Patrick Caron, directeur général du CIRAD, ont
présenté, en présence des principaux auteurs, les résultats de ce
travail sur les enjeux alimentaires et agricoles mondiaux à l’horizon
2050.
Dès 2006, l’INRA et le CIRAD ont pris l’initiative d’une étude
prospective, Agrimonde, pour explorer les futurs possibles du système
agricole et alimentaire mondial à l’horizon 2050. L’enjeu tient en une
phrase : comment nourrir près de 9 milliards d’individus dans le cadre
d’un développement durable ? Cette question se révèle complexe car il
s’agit non seulement de couvrir les besoins nutritionnels quantitatifs
de la population mondiale, mais aussi de permettre à chacun un accès à
une nourriture saine et équilibrée, produite par des systèmes
respectueux de l’environnement, tenant compte de la raréfaction des
énergies fossiles, et intégrant les dimensions sociales. Produire mieux
tout autant que produire plus constitue le véritable défi pour les
agricultures du monde.
Des experts, d’origines et de disciplines multiples, se sont mobilisés
dans cette démarche prospective. Ils ont défini deux scénarios, l’un
tendanciel (Agrimonde GO), l’autre de rupture (Agrimonde 1).
Nourrir la planète dans le cadre d’un développement durable est possible
– Dans les deux scénarios considérés, nourrir la planète en 2050
apparaît possible. Alors que le scénario tendanciel, Agrimonde GO, le
permet au prix d’une dégradation environnementale, le scénario de
rupture, Agrimonde 1, montre que cela peut se faire dans le cadre d’un
développement durable, sous trois conditions principales :
Ne pas généraliser le modèle alimentaire des pays industrialisés :
il s’agit par exemple de réduire des consommations alimentaires
excessives, et les pertes et gaspillages aux stades de la distribution
et de la consommation finale (environ 25% dans la zone OCDE).
Faire le choix d’une agriculture productive et écologique :
il s’agit de développer une agriculture plus productive, et
simultanément plus économe en énergies fossiles et plus respectueuse de
l’environnement. Une telle agriculture valorise au mieux les processus
écologiques. Elle stimule et exploite les synergies entre espèces
végétales et animales. Elle tire profit des avancées scientifiques, mais
aussi des savoirs et savoir-faire traditionnels.
Mettre en place une sécurisation des échanges internationaux des produits agricoles et agroalimentaires :
l’augmentation nécessaire et prévisible des échanges agricoles en
provenance des pays de l’OCDE, de l’ex-URSS et de l’Amérique latine vers
l’Afrique, l’Asie et le Proche et Moyen-Orient, nécessite stabilisation
et régulations.
Agrimonde, un outil de réflexion partagé – Les évolutions
évoquées appellent de nouvelles pistes de recherche. L’INRA et le CIRAD
ont d’ores et déjà mis en place des programmes répondant à certaines des
questions soulevées par Agrimonde : l’atelier Dualine pour des
systèmes alimentaires sains et durables, des projets européens entrepris
sur la durabilité des productions animales (Animal Change) et la
régulation des marchés alimentaires (AgFood Trade), ou encore la
participation à des consortiums internationaux pour développer de
nouvelles stratégies de production des céréales, notamment riz et blé.
Une réflexion jugée prioritaire dans le prolongement d’Agrimonde est
désormais engagée sur la modélisation de l’usage des terres (Land use
modelling).